COMPTE-RENDU DE LA JOURNEE REGIONALE DU 2 JUIN 2014 A LOURMARIN
Placée sous le signe du soleil et de la Provence, cette Journée Régionale consacrée à Albert CAMUS ne pouvait être qu’excellente et elle le fut.
Réunissant les bibliothécaires de Bibliothèques pour Tous de la région, l’assemblée, dès 9h, était nombreuse à se presser autour de la table d’émargement et … du bon café et viennoiseries que l’équipe des Bouches du Rhône avait préparés pour l’accueil.
Le programme prévoyait la présentation de 4 œuvres de CAMUS par 4 départements de la région :
- la 1èrefut « Le premier homme » par le département des Alpes de Haute-Provence (04) : trois bibliothécaires, prenant la parole tour à tour, évoquèrent le parcours de vie de l’homme, Camus, inséparable bien sûr de Camus, l’écrivain. Cette œuvre, moins connue du grand public que les suivantes, permit d’introduire brillamment la journée en approfondissant les aspects plus secrets de cette personnalité.
- la 2ème, « L’étranger », par une seule bibliothécaire des Hautes Alpes (05), rappela le personnage si énigmatique de Meursault aux prises avec l’absurdité dans son geste meurtrier gratuit et son comportement d’apparente indifférence.
- la 3ème, « La peste », fut présentée avec originalité par le département des Bouches-du-Rhône (13) avec 4 bibliothécaires qui choisirent l’interview pour répondre aux questions posées par le livre. La présence de ce Candide pour relancer cette pseudo-conversation rendait l’analyse vivante tout en assurant une grande profondeur dans l’évocation des personnages, leur motivation, leurs problèmes, et la grande métaphore de la peste.
- la 4ème,, enfin, « La chute » par le département du Vaucluse (84 fut) l’objet d’une lecture à plusieurs voix d’extraits finement choisis et bien rendus, notamment sur le juge pénitent, ceci après une présentation brillante de cette œuvre ô combien difficile à la lecture, mais si aisée à l’écoute.
Les heures passaient vite et nous sentions qu’il ne fallait pas s’attarder pour se rendre à l’Auberge du Père Panse où nous attendait à l’extérieur, mais abrités du soleil qui ne nous avait pas quittés, un bon repas, gageure pour le restaurant qui accueillait quelque 80 personnes.
C’était environ 14h quand nous sommes retournés à l’Espace Camus pour entendre la personnalité du jour : Charles JULIET, qui avait d’ailleurs rejoint discrètement le groupe pour partager le repas.
Sonja WOLFF, Déléguée régionale, présenta l’intervenant en traçant les grands axes de sa vie d’homme et d’écrivain. Elle rappela son texte sur CAMUS « Une lecture particulière » et souligna avec pertinence les points communs des deux hommes qui ne se sont pourtant jamais rencontrés, tout en souriant sur leur conception diamétralement opposée de l’action d’écrire : « joie profonde » pour CAMUS, mais «enfer » pour JULIET.
Charles JULIET commença par déclarer combien l’œuvre de CAMUS était importante pour lui par son lyrisme, son écriture. Il découvre « L’étranger » à 15/16 ans chez un ami et c’est la révélation pour lui qui n’était alors qu’un piètre lecteur. L’émotion qu’il ressent lorsque Camus parle de nous-mêmes, il nous la fait partager. Comme Meursault, il a perdu sa mère, mais il est choqué par son manque d’émotion. En poursuivant sa lecture, il entre dans le personnage. A la fin du livre, il est, dit-il, « dans un état second » : lui, C. JULIET et Meursault ne font qu’un ! Il se trouve tellement d’affinités avec l’homme et sa pensée.
Après « L’étranger », il lira « Noces », « L’homme révolté » qui lui démontre qu’une révolte peut être légitime : d’ailleurs, la dédicace de CAMUS ne contient-elle pas la définition de la révolte comme « source de dignité » ?
Autre lecture importante pour JULIET : « L’envers et l’endroit », livre dans lequel il constate la similitude des rapports à la mère : tous deux élevés par la mère, mère adoptive pour Charles à laquelle il est très attaché ; mère biologique pour Albert, laquelle cache son amour sous une apparente indifférence. « Lambeaux », une de ses premières œuvres en porte la marque.
A 23 ans, Charles JULIET se consacre à l’écriture. A l’instar de son aîné, il veut toucher par cette force de transmission. L’exemple de CAMUS, un homme plein d’amour, de générosité, explique la portée universelle de son œuvre par le sens qui est donné de la vie. Il se voulait artiste car il avait le souci de la beauté et son écriture se caractérise par le lyrisme et la vérité.
Bien que moins intéressé par le théâtre de CAMUS, C. JULIET cite « Le mythe de Sisyphe » et « Le malentendu ».
Dans une monde cynique, une société pleine de menaces, CAMUS exalte encore davantage sa passion de la vie et l’orgueil d’être un homme.
Les questions qui suivent cet exposé concernent le rôle de l’écrivain.
Pour CAMUS, il faut donner à autrui la possibilité de se rapprocher de soi-même, de définir ce que nous possédons sans le savoir. Mieux se comprendre revient à mieux vivre.
Une question fut posée sur les relations entre CAMUS et SARTRE : JULIET explique qu’après la phase de séduction mutuelle, les trop grandes différences entre les deux hommes les éloignèrent l’un de l’autre et que la grande jalousie de SARTRE rendait les rapports avec lui difficiles.
On demanda à Charles JULIET quels étaient ses auteurs favoris. La réponse ne comportait pas d’auteurs français, mais HEMINGWAY, TCHEKOV, beaucoup d’auteurs américains, les mystiques et les auteurs orientaux de toutes sectes.
L’entretien s’arrêta là et les auditeurs, bercés par la voix suave de l’orateur du jour, s’empressèrent autour de lui pour acheter certaines de ses œuvres, dédicacées bien sûr.
Une journée à marquer d’une pierre blanche, tant la qualité était au rendez-vous. Chacun se quitta avec une formidable envie de se replonger dans le monde de ces deux écrivains quasi contemporains, animés de l’amour du verbe et de l’homme et qui participent ainsi à donner sa place au mouvement littéraire français contemporain.
Jackie Martin
Isle sur la Sorgue